Le nouvel accord de partenariat économique, entré en vigueur au 1er février 2019 prévoit de nouvelles règles et procédures en matière d’origine. Plus encore, ce nouveau format est destiné à être resservi pour tous les autres accords y compris ceux qui sont renégociés. Bien le comprendre c’est aussi assimiler ce qui va changer dans le traitement de l’origine préférentielle pour nos flux existants vers le Chili et le Mexique par exemple, voire, peut-être, pour l’accord régional PanEuromed.
Parmi les aspects positifs on peut retenir la prise en compte de règles d’origine1 plus adaptées à la situation des marchandises et à l’évolution technologique. Cette évolution a été rendue possible par le lobby des fédérations européennes pour simplifier ou aménager les règles de liste en rapport avec les besoins exprimés par les industriels, et il convient ici de rappeler que les règles ne découlent pas (uniquement) des réflexions de la Commission. Il faut encourager les industriels à partager avec leurs fédérations les problèmes qu’ils rencontrent dans le traitement des règles d’origine pour les faire évoluer.
Par exemple, dans le secteur de l’industrie chimique, en sus des règles habituelles de changement de position ou de valeur ajoutée de nouvelles règles s’attachant aux modes de fabrication ont été prises en compte. L’avantage est de ne plus lier l’origine préférentielle à l’évolution des prix des produits et de leurs composants, y compris les variations de change, mais de considérer que tel type de fabrication conduit invariablement à conférer une origine préférentielle. Mieux encore, ces règles sont issues des règles d’origine non préférentielles, permettant d’avoir un traitement unique de l’origine visant à harmoniser ces deux corpus de règles.
Cependant, il convient de noter que cet accord présente, par ailleurs, des évolutions extrêmement délicates pour les entreprises concernant la vérification de l’origine. Contrairement aux accords que nous avons connus (avant le CETA) lorsque la douane du pays d’importation soupçonnait une origine non préférentielle, elle devait demander à la douane du pays d’exportation de vérifier auprès de l’exportateur si les origines préférentielles mentionnées sur les certificats ou déclarations d’origine étaient correctes. La douane du pays d’importation n’avait que le pouvoir de douter, l’origine étant in fine déterminée par l’analyse effectuée par les douanes du pays d’exportation.
Avec l’accord UE-Japon, c’est la douane du pays d’importation qui détermine si l’origine préférentielle réclamée par l’importateur est bien correcte. Elle peut toujours demander à son homologue du pays d’exportation si les origines déclarées sont conformes, mais cette demande d’assistance est optionnelle et de plus l’information produite par la douane du pays d’exportation ne s’impose pas à la douane du pays d’importation. Selon l’article 3.22 4 b) il s’agit d’un « avis sur le caractère originaire du produit ».
Pour déterminer l’origine, l’accord prévoit que la douane du pays d’importation puisse poser à l’importateur ou l’exportateur, si le premier ne possède pas les informations, toute une série de questions qui entrent normalement dans le champ de la confidentialité commerciale et des secrets de fabrication. Extrait de l’article 3.21 § 2) de l’accord :
- d) description spécifique du processus de fabrication
- e) description des matières originaires et non originaires utilisées dans le processus de fabrication
- g) la valeur de toutes les matières non originaires ou originaires utilisées en production
- h) le poids de toutes les matières entrant en production
- i) la liste de toutes les matières non originaires et leur classement
Il faut retenir que les douanes du pays d’importation sont en capacité de recevoir ces informations, que ce soit directement auprès de l’importateur, de l’exportateur ou encore de l’autorité du pays d’exportation. Il y a fort à croire qu’en l’absence de ces informations la douane du pays d’importation refusera d’appliquer la préférence. Aussi, l’importateur devra acquitter les droits de douane, les pénalités afférentes à la demande de préférence infondée et aura donc un litige enregistré auprès de la douane. Le corollaire est que l’importateur demandera à l’exportateur le remboursement de ces droits et pénalités.
L’analyse de ces règles amène à considérer que, in fine, les préférences ne sont plus du domaine du contrôle des autorités mais du domaine de la relation commerciale entre un exportateur et un importateur, un fournisseur et son client. Si vous n’êtes pas en mesure de répondre à ces questions et livrer vos secrets de fabrication, vous devrez informer vos clients que ces données demeurant confidentielles la préférence demandée par l’importateur ne pourra se faire qu’à ses risques et périls.
Cela implique également que la détermination des prix entre l’acheteur et son fournisseur ne doit pas tenir compte uniquement de l’évolution des droits de douane et que les clauses des contrats commerciaux devront prendre en compte ces paramètres en fonction des politiques de chaque entreprise sur l’échange de ces données sensibles.
Gageons que ceux qui omettront de prendre en compte ces évolutions feront face à des problèmes forts dommageables pour la continuité de la relation commerciale et que les importateurs/acheteurs devraient s’assurer qu’ils peuvent parer à chaque fois aux demandes des douanes. La sélection des fournisseurs se fera aussi sur ces nouvelles règles.
En améliorant les règles de liste la Commission permet aux entreprises une gestion simplifiée de l’origine préférentielle; en refondant sa politique de contrôle elle atténue considérablement l’intérêt d’appliquer les nouveaux accords.
L’avenir nous dira si ces évolutions alimenteront positivement ou non les discussions et controverses habituelles relatives aux accords de libre-échange.
1règles de listes – Annexe 3-B de l’accord
Jean-Pierre VIRET Directeur douane du groupe Sanofi et Adhérent ODASCE |