PIERRE, DOUANIER EN ENTREPRISE

Ça, c’était avant.

 

Avant, Pierre était acheteur dans une PME Savoyarde. Pierre sélectionnait des fournisseurs asiatiques.

 

Pierre cherchait des codes douaniers comme on cherche de l’eau dans le désert. Pierre nageait dans les accords de libre-échange et leurs protocoles d’origine, Pierre s’interrogeait sur la notion de « prix de départ usine ». Même si ce n’était pas dans ses missions de départ, Pierre s’occupait de la douane parce que personne ne comprenait la matière (ni le fond ni les enjeux colossaux !).

 

Pierre était seul au monde.

 

Pierre avait bien essayé de s’inscrire à une formation sur les « fondamentaux douaniers », dispensée par une association brillante menée par des membres charmantes et audacieuses, mais l’assistante de l’adjoint du directeur des ressources humaines lui avait dit que « cela n’était pas au budget de l’année ».

 

Pierre avait alerté les commerciaux sur les risques fiscaux significatifs liés à l’utilisation de l’incoterm EXW à l’export. Mais le directeur commercial, Monsieur Jean-Claude Pognon, lui avait répondu dans un anglais très relatif « business is business », puis il lui avait tapé dans le dos en rigolant grassement.

 

Pierre avait parlé avec son PDG de l’accord UE / Canada et des opportunités que cela pouvait créer. Mais son patron avait, sans que Pierre ne comprenne vraiment pourquoi, répondu que « Trump ne voulait pas de l’accord transatlantique et que le Canada ferait comme Trump ». Il avait même ajouté, plutôt narquois, qu’ils vendent des pièces automobiles et pas des fromages.

Le DAF, Monsieur Jean-Luc Chiffre, avait bien appelé Pierre, une fois, en urgence le 26 décembre à 23h, pour une problématique de normes (il avait simplement dit « normes, douanes, rien compris, débrouillez- vous »). Pierre avait tout réglé en quelques jours, prenant sur ses congés, mais Monsieur Chiffre s’était contenté de lui répondre que cela avait été bien long et qu’il fallait désormais obtenir un remboursement des frais d’immobilisation de la part de l’administration.

 

Pierre avait parlé du statut d’opérateur économique agréé (OEA) au cours d’une réunion d’information interne à laquelle ils étaient 3 (le jeune de la Logistique, Madame Monet-Pény l’assistante du PDG et Pierre lui-même). Mais on lui dit que… ah non, on ne lui avait rien dit en fait.

 

Finalement, Pierre avait évoqué le risque d’un contrôle douanier, mais le directeur juridique, Jean-Michel Légal, toujours de bonne humeur, s’était simplement contenté de lui fredonner la chanson du douanier Rousseau en s’éloignant dans le couloir.

 

Ça, c’était avant.

 

Pierre était las, Pierre était désemparé.


Puis, Pierre, acheteur devenu douanier, a subi un contrôle des douanes.

 

Pierre a enfin eu l’attention de son patron quand l’enquêteur de la DNRED a dit « articles 411 et 414 du Code des Douanes », « pénalités », et « pénalement responsable ».
Ce jour là, le patron de Pierre l’a appelé par son prénom pour la première fois et lui a confirmé qu’il pouvait lui demander tout ce qu’il voulait, « Mon petit Pierre ». Pierre s’est contenté de dire qu’il ferait son boulot, comme d’habitude.

 

Pour son contrôle, Pierre a été assisté par un avocat brillant, chaleureux, dynamique, drôle, attachant, ultra-compétent, réactif, pragmatique, concret, synthétique, philanthropique, beau et au taux horaire presqu’abordable (une licorne en somme !).


Pierre a mis en valeur ses connaissances, il avait enfin un appui, un auditoire et une écoute.


Le patron de Pierre a grommelé, le patron de Pierre a soufflé. Puis, il a écouté, il a appris, il a compris. Il a compris que jusque là, il n’avait rien compris. Il a compris que jusque là, il vivait en sursis.
Il a compris qu’il est plus aisé d’optimiser 14% de droits de douane que négocier 1,4% de marge.

 

Il a compris que la douane en entreprise rime avec finance, juridique, logistique, supply chain, achat, commerce. Il a compris que la douane en 2018 s’écrit en 9 lettres : S-T-R-A-T-E-G-I-E.

Avec son conseil, Pierre a créé un service douane sur mesure. Ils ont écrit des procédures, choisi un schéma de dédouanement, mis en place des régimes particuliers, sollicité une suspension tarifaire, optimisé le sourcing, négocié un contrat équilibré avec le représentant en douane, etc.

 

Son patron a souri, son patron a aimé. Il a même dit en comex « une société de la taille de la nôtre ne saurait, dans le contexte économico-politico-mondialo-financier actuel, faire l’impasse sur le sujet douanier, ses enjeux et ses risques », tout en faisant un clin d’œil à Pierre, qui était désormais assis près du patron. Sécurisation, optimisation.

 

Tout à fait dans la ligne de conduite du principal actionnaire, un fond Américain, dont le patron avait dit au PDG « What the hell ???? You don’t have a Customs manager ??? ».

Alors, Pierre est devenu l’homme qui compte. Jean-Paul Chiffre l’a remercié d’améliorer son bilan. Jean- Michel Légal lui a proposé un karaoké en mode after Work, et Jean-Claude Pognon lui a proposé de se joindre à eux pour le séminaire des commerciaux à Marbella !

 

Pour finir, Pierre avait même participé à un colloque de l’élite de la douane, la crème de la crème, le top du top, el topo del topo, the top of the top. C’était un 17 novembre 2017, probablement le jour le plus important de l’année, et Pierre avait compris 2 choses au cours du colloque :

  • le plus important : avec un douanier, un dernier verre n’est en fait que l’avant-dernier,
  • et le plus pérenne : il n’est plus seul, il fait partie de ceux qui ont compris avant les autres.

Pierre est un homme nouveau. Avant de reprendre le TGV (en première classe désormais), Pierre dresse un bilan sur le quai ensoleillé : peu l’ont compris, mais l’Histoire est en route. Toutes les (r)évolutions récentes en matière douanière le montrent, et le CDU en particulier : les entreprises doivent s’approprier la douane. OEA, dédouanement centralisé, inscription en comptabilité matières (ICM), auto-évaluation (AE). La réglementation offre aujourd’hui tous les outils pour une gestion interne optimisée. Mais, plus de simplifications rime avec plus de responsabilités pour les entreprises.
Il y a donc plusieurs types de sociétés dans le monde : celles qui utilisent la douane pour être plus compétitives et ne plus prendre aucun risque, et les autres. Celles qui valorisent leurs douaniers en interne, et les autres. Celles qui attendent un contrôle pour comprendre, et les autres.

 

Anticiper, c’est vaincre. Prenez les choses en mains, l’avenir nous appartient !